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Bible du Semeur – Note de traduction : Les goyîm

Bible du Semeur – Note de traduction : Les goyîm

Le mot hébreu goyîm a traditionnellement été rendu par « les nations » dans les traductions bibliques. La Bible du Semeur évite autant que possible cette traduction et a adopté des expressions comme « les autres peuples », « les peuples étrangers », « les peuples non israélites ». Il a été jugé en effet que le mot ‘nation’ ne rendait pas bien le sens du mot hébreu.

Qu’est en fait une nation ? Le concept de nation a évolué avec le temps et le mot a pris à l’époque moderne un sens nouveau. Jusqu’au 18e siècle, ce terme désignait un groupe humain partageant une même origine. Depuis, le concept s’est précisé et enrichi. Le Petit Robert le définit ainsi : « Groupe humain constituant une communauté politique, établi sur un territoire défini ou un ensemble de territoires définis, et personnifiée par une autorité souveraine ». De la consultation de divers dictionnaires et encyclopédies se dégagent les traits caractéristiques suivants pour le concept de nation : un groupe humain ayant conscience d’appartenir à un même ensemble, constitué en entité politique, établi sur un territoire défini, et ayant une forme de gouvernement politique ; certains ajoutent la conscience d’une unité historique et culturelle. Le caractère récent de ce concept constitue un premier motif de restreindre l’usage du terme de nation dans la Bible pour éviter l’introduction d’une notion anachronique.

On notera d’ailleurs que le Petit Robert mentionne l’usage du vocable « les nations » dans la Bible en proposant comme équivalent « les peuples idolâtres », ce qui n’est pas très loin des équivalents adoptés par la Bible du Semeur. Mais cela fait bien ressortir aussi que ce vocable prend dans les traductions de la Bible un sens très particulier qui diffère de son sens habituel.

Qu’en est-il du vocabulaire hébraïque ? L’hébreu possède deux termes. Il est vraisemblable que, dans leur usage premier, et de la façon la plus courante, ces termes s’opposent de la manière suivante : cam, au singulier, désigne le peuple auquel appartient le locuteur et/ou ses interlocuteurs, et gôyîm, au pluriel, les peuples ou groupes humains étrangers au peuple du locuteur ou de ses interlocuteurs. Dans la perspective biblique, cam désigne ainsi le plus souvent le peuple d’Israël, et gôyîm les autres, ou encore des membres des peuples non israélites.

Mais le vocabulaire est souple et d’autres usages se rencontrent. Par exemple, le peuple israélite peut être appelé gôy, au singulier, lorsqu’il se montre rebelle à Dieu et se comporte ainsi comme des peuples païens plutôt que comme le peuple de Dieu (Éz 2.3). Ou encore, le terme s’emploie à propos d’Israël en tant que peuple organisé (Jr 31.36). Le mot camîm au pluriel peut s’employer pour un ensemble de gens, des peuplades, les populations de la terre (Dt 2.25 ; 4.6,19 ; Ps 3.7 ; 47.2,4). Il est parfois utilisé de manière interchangeable avec gôyîm (Ps 96.5). Ces variations d’usage ne doivent cependant pas faire perdre de vue que, très souvent, les mots cam et gôyîm s’opposent comme nous l’avons signalé tout d’abord.

Par conséquent, il est tout à fait approprié de rendre le plus souvent le mot gôyîm au pluriel par des expressions comme « les autres peuples », « les peuples étrangers », « les peuples non israélites ». Parfois aussi, il faut comprendre, « des gens d’autres peuples », lorsqu’il est clair qu’il ne s’agit pas de la totalité des membres de ces peuples. Il s’agit en fait de ce qu’on nommait autrefois en français les/des Gentils. Malheureusement, cet usage du mot est tombé en désuétude et le français n’offre plus un terme équivalent.

Dans la traduction grecque des Septante, le mot gôyîm a été rendu par ta ethnè, que l’on retrouve dans le Nouveau Testament. Le mot grec ethnos a d’abord le sens de classe d’êtres d’origine ou de condition commune, et donc d’ethnie, de peuple, de tribu, de nation (le sens que ce dernier avait avant la période moderne). Et il a été rendu, comme gôyîm, par « les nations » dans les versions traditionnelles de la Bible. Mais il s’agit bien encore de peuples non juifs, ou plus simplement des non-Juifs, ou encore de non-Juifs. 

Or la traduction française par le mot ‘nations’ est susceptible d’induire en erreur. Ainsi, en Actes 10.45, l’Esprit n’est pas répandu sur des nations au sens du terme français, mais sur des non-Juifs. Déjà Segond avait traduit « répandu sur les païens » et la Bible du Semeur dit : « donné aux non-Juifs ». Lorsque Jésus appelle les apôtres, et l’Église dont ils sont les représentants, à faire de toutes les ethnè des disciples (Mt 28.19), il ne s’agit nullement d’amener à la conversion et à l’obéissance à Christ des nations comme la France, l’Espagne ou l’Allemagne, contrairement à ce que l’on a parfois cru pouvoir tirer de ce texte. Mais il est seulement question de faire de gens de tous les peuples des disciples. D’où la traduction de la Bible du Semeur : « faites des disciples parmi tous les peuples ».

Pour éviter ce genre de contresens, et pour éviter qu’on plaque sur les textes une notion qui leur est étrangère, la Bible de Semeur n’a réservé le terme de nations qu’aux textes où cela peut réellement se justifier, et aussi parfois aux textes où le mot ‘peuple’ est déjà employé et où l’on a besoin d’un autre terme.

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